Collège au cinéma 2022-2023 – Premier trimestre
Chicken run vu par les 3e3 : Quand le rire fait réfléchir
Laissons Louka nous présenter l’oeuvre : « Chicken run est un film d’animation, utilisant la technique de la claymotion où les personnages sont modelés dans une pâte. Réalisé par Nick Park et Peter Lord, le scénario a été écrit par Karey Kirkpatrick. Ce film est sorti en 2000.» Vingt-deux ans plus tard, qu’en ont retenu nos collégiens éclairés par la présentation faite au Studio 43 et poursuivie en classe ?
Salomé R. nous livre l’analyse suivante : « Chicken run est à première vue un film enfantin, mettant en scène des poules enfermées dans la ferme des cruels Tweedy. Leur vie ne tient qu’à leur capacité à pondre des oeufs. Les poules menées par la courageuse Ginger cherchent éperdument à s’évader. L’atterrissage d’un coq, Rocky, leur donne à nouveau espoir. Ce charmant séducteur est censé leur apprendre à voler. Cependant, les fermiers ont acheté une machine permettant de fabriquer des tourtes, cet engin terrifiant annonce l’extermination de toutes les prisonnières.»
Louise nous rassure : «Les poules veulent s’échapper. Vont-elles réussir ? Bien sûr que oui, c’est une happy end ! »
Le film se présente ainsi, «à première vue», comme un film pour enfants ce que confirme encore Louise : « les personnages sont en pâte à modeler. De plus, les personnages principaux sont des animaux (poules, coqs, rats) qui parlent. C’est un
film comique dû à toutes les évasions ratées, les chutes qui se répètent, les caractères et les mots employés par les personnages ont tout pour faire rire les enfants.»
Baptiste témoigne de son enthousiasme : « Chicken run est un très bon film d’animation qui parodie les films d’évasion. Nous sommes entraînés dans une aventure très drôle. Les images des visages ahuris des poules provoquent l’hilarité et ce même lors des scènes les plus dramatiques du film. Les personnages sont tendres et attachants, les dialogues amusants et le scénario d’une grande qualité.»
Reprenons maintenant la proposition de Nans : «Chers collégiens que je vais éclairer, ce film, l’avez-vous pris pour un film uniquement pour enfants ?»
Ben, Cyprien ou Eliot ont pu y découvrir une dénonciation de l’industrialisation et de l’élevage intensif : « Quand on regarde ce film, et que l’on voit ces poules dans un petit enclos, on peut penser à de l’élevage intensif» remarque Ben. «Cette parodie de film d’évasion met en lumière la surexploitation et la surconsommation des animaux de manière amusante. Ce fait est mis en évidence tout au long du film, comme par exemple l’engraissement des poules», écrit Eliot. Margaux rappelle : « Le fait que Madame Tweedy veut se faire un bénéfice lié à la vente d’oeufs ou de la tourte aux poulets est un exemple de cette exploitation des animaux.» Cette soif avide d’argent a pu marquer les élèves. Maé complète cette analyse : «Ce film dénonce aussi la publicité mensongère car Madame Tweedy pense qu’elle fera plus de profit en commercialisant ses tourtes plutôt que ses oeufs. Pour autant, elle ne réalisera jamais son bénéfice tant espéré.»
Maé ajoute une autre lecture possible : « Ce film peut être considéré comme féministe car pendant que les poules s’entraident afin de s’enfuir de la ferme, les coqs, Rocky et Poulard, s’inventent un passé glorieux afin de passer pour des héros, ce qu’ils ne sont guère, auprès des poules. » Carla ajoute : « On peut donc parler de film féministe car le pouvoir est du côté des filles. » Louise est plus mesurée : « Certes, c’est l’un des premiers films féministes des années 2000 mais la femme est juste réduite au stade de poule. » Tom a un avis évidemment plus masculin sur la question : « Je trouve la fin originale et réussie car l’un des personnages [Poulard], qui à mon sens était ennuyeux, devient le personnage maître de ce moment de l’histoire. » Laissons Salomé R clore la discussion : « Ce film ne contient que trois personnages masculins : Rocky, masculinité idéalisée, séducteur “macho”, ainsi que Poulard, strict, âgé et radotant un passé embelli sont deux coqs qui s’avèrent ne pas être les héros qu’ils avaient prétendu être. Cet héroïsme masculin renvoie à de la vantardise. Mister Tweedy, lui, est soumis, est stupide, bête. Il est dominé par sa femme qui n’hésite pas à l’humilier. »
Enfin, Jade écrit : « Ce n’est pas seulement des poules qui veulent s’évader d’un poulailler, mais une comparaison avec la Shoah. Tout nous prouve ceci : le décor de la ferme, des baraquements qui sont numérotés, les poules qui sont elles-mêmes numérotées, l’appel du matin, la peur et la terreur face à Madame Tweedy qui incarne la force et la mort. Les poules sont personnifiées, elles représentent l’humanité alors que les humains, eux se conduisent comme des bêtes. Utiliser des poules pour parler d’un sujet comme celui-là permet de ne pas choquer les enfants et de quand même en parler et de pouvoir comprendre la Shoah.» Cette double lecture a pu marquer les esprits de Kezya, Gabriel, Gabin, Louis ou Mila.
Salomé S. conclut : « Chicken run a beau être un film haut en couleur, si l’on cherche plus loin que la première impression, on se rend compte que ce film soulève plusieurs points importants, qu’il exprime de manière camouflée mais compréhensible.»